Croissance et rendement des plantations

Responsable : David Pothier, Département des sciences du bois et de la forêt, Université Laval

L’espacement régulier entre les plants et l’absence de trouées sont des causes de la bonne productivité des plantations en milieu forestier. Cependant, cette productivité pourrait aussi être augmentée en occupant davantage l’espace vertical sous le couvert dominant, ce qui permettrait d’augmenter l’interception de la lumière disponible et la biomasse produite à l’hectare. Une meilleure occupation de cet espace vertical pourrait être réalisée dans des plantations mixtes tirant profit d’une complémentarité de traits fonctionnels entre les espèces en plantant, par exemple, une espèce tolérante à l’ombre sous une espèce intolérante à l’ombre à croissance rapide. Une productivité accrue est aussi envisageable dans le cas de plantations situées près de centres urbains où on peut utiliser des matières résiduelles fertilisantes, d’origine municipale ou industrielle, pour amender le sol des plantations. De même, un régime approprié de coupes intermédiaires (éclaircies) pourrait permettre d’accroitre la production composée d’arbres de grandes dimensions pour permettre leur transformation en produits désirés. L’établissement de plantations à croissance rapide, par l’entremise de cultures par taillis à courte rotation, est une avenue intéressante pour répondre aux besoins énergétiques grandissants. Toutefois, les gains potentiels en productivité varieront non seulement en fonction des espèces plantées et des traitements sylvicoles, mais aussi en fonction des conditions édaphiques et climatiques. Ainsi, la quantification de ces gains doit être réalisée par un modèle suffisamment flexible pour tenir compte des effets de différents traitements sylvicoles tout en prévoyant la croissance de plantations établies sous des conditions jamais testées auparavant. C’est pourquoi les priorités de recherche sur la croissance et le rendement des plantations s’articulent en quatre axes : (1) la production de plantations mixtes, (2) la quantification des gains de croissance à la suite de fertilisations, (3) la détermination de régimes d’éclaircies en fonction des espèces et des objectifs d’aménagement, (4) le rendement bioénergétique de taillis à courte rotation et (5) la mise au point d’un modèle semi-fonctionnel pour prévoir la production de plantations soumises à diverses conditions.

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Restauration écologique de sites perturbés/anthropisés

Responsable : Marie Guittonny, Institut de recherche en mines et en environnement, Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue

À cause de la transformation des terres pour l’usage humain, 60 % des services écosystémiques seraient déjà dégradés. De plus en plus de chercheurs s’intéressent aux services associés aux écosystèmes forestiers de la planète. Par exemple, la biomasse ligneuse produite par ces écosystèmes représente une valeur de 400 milliards de dollars US annuellement et leurs sols stockent jusqu’à 45 % du carbone terrestre. Au Québec, on compte des milliers de sites perturbés et anthropisés, comme les terrains forestiers dénudés (ex. : brûlis mal régénérés), les sites urbains très minéralisés (friches industrielles, emprises autoroutières et ferroviaires, etc.), les anciennes mines et sablières, et les friches agricoles. Ces sites sont souvent délaissés, non productifs et non valorisés, et ils fournissent peu ou pas de services écosystémiques ou créent des complications environnementales. La restauration écologique de ces sites permettrait de les réintégrer dans le paysage naturel et de rétablir les biens et services écologiques détruits par les activités humaines. Pour restaurer un écosystème forestier, le rétablissement des arbres en tant qu’espèces dominantes est essentiel pour rétablir les flux dominants d’énergie et la structure tridimensionnelle qui abrite d’autres organismes. La plupart du temps, ces sites présentent des limitations physiques, chimiques et biologiques au rétablissement des arbres. Les sources de propagules des essences forestières peuvent être limitées sur sites perturbés et anthropisés, et il est souvent nécessaire d’introduire les arbres par plantation. Le développement de lignées d’arbres indigènes adaptés aux contraintes spécifiques à la végétalisation des sites perturbés et anthropisés, par exemple des sols peu aérés ou encore avec une salinité élevée, est nécessaire pour reboiser ces surfaces. Lorsque ces plants sont inoculés avec des microorganismes symbiotiques appropriés, leur établissement peut être amélioré, mais beaucoup de travail reste à faire pour identifier ces microorganismes. Les contraintes abiotiques des sols peuvent aussi être diminuées en utilisant des amendements organiques ou du sol de couverture, mais les doses, les épaisseurs et les matériaux restent à préciser pour optimiser le succès du reboisement. Pour diminuer les contraintes abiotiques, des plantations d’essences pionnières à croissance rapide peuvent servir de plantation abri pour faciliter la succession végétale forestière et la restauration des services écosystémiques associés.

Plantation de 3 ans de peupliers hybrides et de pins gris sur du sol recouvrant des pentes de roches stériles minières

Semis direct de pins gris sur roches stériles minières

Photos : Marie Guittonny, UQAT

Plantations de résilience

Responsable : Alain Paquette, Département des sciences biologiques, Université du Québec à Montréal

Au niveau mondial, les plantations sont généralement perçues comme des « déserts biologiques » ne fournissant pas d’habitat adéquat pour la biodiversité végétale et animale. Les préoccupations concernant le maintien de la biodiversité sont particulièrement fortes au Québec, car la plantation, surtout intensive, est une activité sylvicole encore jeune, et ses effets sur la biodiversité pas encore bien documentés. Cette mauvaise perception des plantations est néanmoins remise en cause. En effet, bien que l’établissement de plantations en remplacement de forêts naturelles cause souvent une perte de biodiversité, plusieurs études ont montré que ce n’était pas une fatalité et que les plantations peuvent héberger une flore et une faune similaires à celles rencontrées dans des peuplements forestiers naturels, surtout lorsqu’on utilise une comparaison adéquate, par exemple une forêt régénérée après coupe de même âge que la plantation. En effet, c’est bien plus la récolte elle-même qui cause les modifications à l’habitat, plutôt que la plantation. Il reste cependant que les pratiques liées à ces dernières (la préparation de terrain, leur arrangement dans le temps et l’espace, les entretiens et leur diversification) peuvent être améliorées en vue d’augmenter la qualité des habitats et leur résilience. Face à la variabilité dans la qualité des habitats générés par les plantations, il est essentiel de déterminer les facteurs (ex. : composition, structure et superficie de la plantation, type de couvert avant la plantation) qui permettent le maintien de la biodiversité dans ces peuplements. Au-delà des facteurs internes, il faut aussi considérer l’ampleur, l’emplacement et l’agencement spatial des plantations dans le paysage si l’on souhaite que la matrice forestière reste fonctionnelle pour les espèces fauniques qui y habitent. Mais à l’heure actuelle, nous avons une compréhension très limitée de l’effet du contexte paysager des plantations sur la biodiversité animale et végétale. Ainsi, l’objectif sera de caractériser les effets des plantations sur la biodiversité végétale, animale et microbienne, et les fonctions liées (ex. : la dégradation de la litière et le recyclage des éléments à l’échelle du peuplement et du paysage), ainsi que de déterminer les caractéristiques des peuplements plantés (composition et structure de la végétation) et du paysage environnant responsables de ces effets. Les connaissances inédites acquises pourront être valorisées par les gestionnaires forestiers afin d’améliorer la mise en place des plantations et ultimement de maintenir la biodiversité forestière de même que la résilience des peuplements et le maintien des fonctions liées.

Plantation expérimentale de biodiversité de Sainte-Anne-de-Bellevue

Photo : Alain Paquette, UQAM

Vue d’oiseau de la plantation de Sainte-Anne-de-Bellevue

Source : Google Earth

Phytoremédiation et production de produits biosourcés

Responsable : Michel Labrecque, Institut de recherche en biologie végétale, Université de Montréal

Les sols contaminés en milieu urbain et périurbain constituent une problématique environnementale grandissante au Québec et partout dans le monde. En Amérique du Nord, on compte plus de 650 000 sites contaminés qui pourraient être réhabilités. Il existe  d’innombrables solutions techniques de réhabilitation des sols contaminés. Parmi les techniques « douces », la phytoremédiation – utilisation de plantes pour décontaminer les sols – constitue une approche efficace, peu coûteuse et qui s’inscrit dans un contexte de développement durable. Les plantations d’espèces d’arbres à croissance rapide, notamment de saules ou de peupliers, représentent une solution qui a fait ses preuves pour réhabiliter progressivement ces sites perturbés ou anthropisés, ou simplement pour mieux valoriser ces terrains souvent délaissés. Dans ces conditions, il est possible de miser sur des rendements appréciables de biomasse d’origine lignocellulosique pouvant être destinée à des fins énergétiques. Mais plus encore, de récents travaux ont démontré que les plantes soumises à des stress environnementaux (contamination) pouvaient répondre par l’élaboration dans leur métabolisme de molécules de défense et que ces métabolites (les terpénoïdes, les triglycérides, les tanins, etc.) pouvaient être exploités pour la production d’une gamme de produits à valeur ajoutée (bioproduits) de plus en plus recherchés (bioplastique, biofloculants, etc.). En combinant ainsi la phytoremédiation à la production de biomasse, et conséquemment de produits biosourcés, il est possible de mettre en place des systèmes d’économie circulaire qui rendent la technologie de phytoremédiation encore plus attrayante. La phytoremédiation pourrait donc être un des moteurs d’une telle économie circulaire par la stimulation de filières viables du secteur de la chimie verte tout en permettant le développement d’activités économiques socialement acceptables et écologiquement durables.

Récolte de la biomasse de saules par l’utilisation d’un Biobaler sur un terrain contaminé à Varennes

Phytoremédiation de sols contaminés dans l’est de la ville de Montréal. Essais impliquant diverses variétés de saules et de peupliers.

Photos : Michel Labrecque, Université de Montréal

Amélioration génétique et adaptation

Responsable : Martin Perron, Direction de la recherche forestière, ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs

Depuis une vingtaine d’années au Québec, la superficie reboisée annuellement représente 75 000 hectares et des investissements sylvicoles de plus de 200 millions de dollars par année. Pour atteindre une productivité maximale de bois de qualité, il faut une cinquantaine d’années à partir des meilleurs sites. Avec les changements globaux, les arbres devront composer avec des extrêmes climatiques et seront plus que jamais exposés à de nombreux stress environnementaux, tels que des stress hydriques et des attaques de ravageurs. Il devient donc impératif de choisir judicieusement les parents produisant les semences pour le reboisement, et ce, afin d’assurer l’adaptation et la résilience des arbres en devenir, et d’avoir des plantations saines et productives. L’adaptation et la résilience des arbres sont tributaires de la diversité génétique au sein des espèces et des populations d’élevages. Aujourd’hui, les avancées dans les sciences « omiques », le phénotypage à haut débit pour des caractères complexes (ex. : tolérance à la sécheresse) et les autres disciplines de la génétique forestière, de même que les populations d’arbres en plantations comparatives pour les principales essences forestières commerciales, constituent une occasion unique afin de faire un choix rationnel de parents. Ainsi, il est possible de caractériser les traits génétiques liés à la résistance aux stress environnementaux et aux propriétés du bois pour des milliers d’arbres semenciers. Avec le suivi des plantations comparatives multisites, comportant divers éléments génétiques (provenance, descendance, clone) et prédicteurs climatiques (indice d’aridité, température moyenne annuelle, etc.), il sera également possible de modéliser la réponse de la productivité et la résilience environnementale pour des conditions climatiques actuelles ou à venir.

Un mélèze hybride de la nouvelle génération lors de sa 8e année de croissance en juillet 2019.

Photo Pier-Luc Faucher, MFFP.

Permutation de plants d’épinette blanche par famille, en vue de l’établissement d’un test génétique, à la pépinière de Saint-Modeste.

Photo Guildo Gagnon, MFFP.

Valorisation des matières résiduelles fertilisantes et séquestration du carbone

Responsable : Rock Ouimet, Direction de la recherche forestière, ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs

L’usage des matières résiduelles fertilisantes (MRF) (ex. : boues municipales, boues de chaux et cendres) en agriculture est aujourd’hui très répandu. Ses effets bénéfiques sur le rendement des récoltes sont reconnus et les risques sur la santé des écosystèmes et des humains sont faibles si les applications sont faites selon les règles. C’est aussi une façon efficace de disposer des résidus, lesquels seraient autrement éliminés dans les sites d’enfouissement ou incinérés. En ce sens, la politique québécoise de gestion des matières résiduelles vise à ce que les municipalités et les diverses industries recyclent d’ici 2020 l’ensemble des résidus organiques qu’elles génèreront. L’industrie forestière québécoise commence à utiliser les MRF dans le but d’augmenter la fertilité des sols, la nutrition des arbres et le rendement de plantations en général. L’épandage de MRF favoriserait aussi la séquestration de carbone dans les sols. La valorisation des MRF est une alternative intéressante en sylviculture intensive, notamment parce qu’elle a le potentiel d’augmenter le rendement des arbres et qu’elle permet d’éviter l’enfouissement ou l’incinération de matières organiques, ce qui respecte la hiérarchie des 3RV-E de la Politique québécoise de gestion des matières résiduelles. Dans le cadre de multiples projets, l’équipe du réseau met en place un important programme de suivi des sols, de la nutrition foliaire et de la croissance de diverses plantations au Québec. Les sites étudiés sont fertilisés à différentes doses avec des MRF, soit en combinaison ou séparément. Dans certains cas, une deuxième fertilisation est faite 3 à 5 ans après la première fertilisation. Les objectifs sont de préciser les types de MRF, les dosages et les calendriers d’application optimaux pour la nutrition et la croissance des arbres, et de développer un programme de fertilisation sur l’ensemble des territoires exploités selon les caractéristiques des sites (foresterie de précision). Une attention particulièrement porte sur les effets de la fertilisation quant au budget de carbone. L’équipe travaille aussi avec les chercheurs impliqués dans le thème 2 pour établir des aulnes, des saules, des peupliers, des mélèzes et des épinettes sur des sols reconstruits (technosols) à partir de MRF. La reconstruction des sols se fait avec un mélange de boues de désencrage et de boues municipales, ce qui permet de stabiliser les haldes minières et d’équilibrer la disponibilité des nutriments. La valorisation des MRF est un moyen tout indiqué pour accélérer les effets positifs de la phytorestauration par la restauration rapide des fonctions des sols favorables à l’établissement de plantes pérennes.

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Épandage de boue de chaux avant la plantation en Estrie

Photo : Nicolas Bélanger, Université TÉLUQ

Transformation du bois et chaîne de valeur

Responsable : Alexis Achim, Département des sciences du bois et de la forêt, Université Laval

Le développement d’une approche de sylviculture intensive misant d’abord sur la plantation aura pour conséquence inévitable de changer les caractéristiques des approvisionnements des usines de transformation du bois. Or, depuis les débuts de l’ère industrielle, les usines de transformation québécoises ont toujours pu miser sur la récolte de forêts naturelles âgées et à croissance lente, ce qui confère au matériau des propriétés physico-mécaniques avantageuses. Le changement anticipé de ces propriétés et la perte associée d’un élément qui permet à nos produits de se distinguer à l’échelle internationale sont parmi les éléments qui empêchent les aménagistes à mettre de l’avant des stratégies sylvicoles dynamiques misant sur une croissance rapide et de courtes révolutions. Pourtant, de telles stratégies pourraient aussi avoir des effets positifs sur la chaine de valorisation des bois. L’un des facteurs limitant le rendement des usines de transformation primaire est la petite taille des tiges récoltées dans le nord du territoire forestier productif, là où se trouve maintenant la majorité de nos forêts naturelles matures. La production de tiges de plus grandes dimensions aurait pour avantage d’augmenter de manière importante la proportion de bois de sciage, et donc de diminuer la proportion de coproduits de moindre valeur tels que les copeaux. Dans ce contexte, les priorités dans ce champ de recherche seront de : (1) définir des scénarios sylvicoles optimisés favorisant l’atteinte de dimensions de tiges favorables au rendement en matière du processus de transformation primaire sans affecter outre mesure la qualité du bois, (2) caractériser la croissance et les propriétés du bois des arbres issus de programmes d’amélioration génétique afin d’identifier les individus et les familles offrant le meilleur équilibre entre la vitesse de croissance et le maintien de propriétés du bois acceptables, (3) intégrer les processus de récolte et de transformation du bois dans les modèles d’évaluation des rendements financier et économique associés à diverses stratégies de plantation.

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